Les Fiancés de l'Hiver

Les Fiancés de l'Hiver - Christelle Dabos

Le livre se lit plutôt bien, en dépit de certaines maladresses stylistiques, et j'ai bien aimé la géographie du monde développé ici (monde au sujet duquel il reste sans nul doute beaucoup à découvrir dans les volumes suivants). De plus, les pouvoirs des différentes familles — lecture d'objets, transmission de pensée, illusions, mémoire... — se prêtent bien à pas mal d'intrigues et de développements.

Par contre, j'enlève de bases des étoiles ici car je ne supporte plus cette ficelle scénaristique maladroite qui consiste à faire de la rétention d'information sans raison valable. Ophélie se retrouve balancée dans un monde d'intrigues de cour où elle risque d'être au mieux déshonorée, si pas juste assassinée dans une alcôve, et sa nouvelle belle-famille l'y prépare donc en faisant... rien? Et lui reproche en plus de commettre des erreurs par ignorance. Ah si, elle reçoit des lecons de maintien et de diction. Super. Des leçons de diplomatie et de survie en milieu courtisan hostile auraient été plus utiles, ne serait-ce que pour la prévenir que "au fait, une de nos familles peut partager ses pensées, donc ce que tu dis à l'un d'eux, tous les autres le savent aussi". M'enfin moi je dis ça, je dis rien.

Résultat: l'intrigue se traîne, car en plus d'être enfermée la moitié du temps, Ophélie doit jouer le rôle d'une muette l'autre moitié (pratique pour poser des questions, tiens). Déjà pas bien bavarde à la base, pour le coup elle n'a vraiment plus grand chose d'intéressant, et subit les événements plutôt que de vraiment les déclencher pendant la majeure partie de l'histoire. Ses pouvoirs ne sont de plus pas vraiment bien exploités, à part quelques passages de miroirs.

Alors certes, cela permet de mettre en scène des actions et pas un énorme info-dump. MAIS. Mais. Il n'y a AUCUNE raison valable au silence de Thorn et de Bérénilde, silence qui met Ophélie encore plus en danger puisqu'elle reste ignorante des vraies menaces, et ne peut donc pas s'y préparer. (Ajoutons à cela le fait qu'Ophélie ne fait aucun effort pour essayer de connaître les gens et notamment son futur mqri, ce qui n'aide pas.) Ce roman n'est de loin pas le seul à avoir recours a cet artifice, cependant il serait grand temps que la fiction de facon générale s'en éloigne. En d'autres termes: c'est bien d'éviter d'avoir trop de scenes d'exposition, ce serait mieux que le moyen employé pour cela repose sur quelque chose de logique, au lieu de révéler un trou scénaristique.

L'autre gros problème pour moi a été la société, ou plutot les sociétes décrites:
- Anima: une matriarchie qui traite en fait ses femmes comme de la crotte. Aucun intérêt. En vrac: mariages arrangés, sois belle et tais-toi (ou bien tais-toi juste, en fait...), femmes "fortes" et "dominant leur mari" comme la mère d'Ophelie mais qui ne sont en fait que des caricatures dont le seul pouvoir se résumé a être épouses et mères... Si c'est pour véhiculer les mêmes clichés moisis qu'une société patriarcale, restons dans une société patriarcale, dans ce cas, ce sera un petit peu moins écoeurant.
- Le Pôle: toutes des salopes-courtisanes-intriguantes-séductrices. Sauf Ophélie, bien sûr, puisqu'elle est le seul personnage féminin qui ne s'intéresse pas au sexe, à l'amour, à la mode, et aux autres artifices "purement féminins". Déjà vu, déjà trop vu, on pourrait avoir autre chose que la trilogie vierge-mère-pute? Merci.

Ceci dit, au moins il n'y a pas de romance/triangle amoureux (pour le moment), ce qui est déjà plus que je n'ose en demander à un roman jeunesse ces dernières années.